Le code couleur de Thierry Alet (posté par AICA le 15 Octobre 2015)
Le Code Couleur de Thierry Alet est né d’une commande du comité scientifique et technique du Mémorial ACTe. À l’instar du code morse, il fait correspondre une couleur unique à chaque lettre de notre alphabet. Ni invention pratique, ni clairement une oeuvre d’art, ce nouveau travail est à la frontière entre l’art et l’expérimentation pédagogique.
La première application du code fut l’oeuvre « La Voleuse d’Enfant ». Partie intégrante de la collection permanente du MACTe, elle propose trois versions de la prière Je Vous Salue Marie transcrite en code couleur : français, langue caraïbe et créole. Une façon pour l’artiste de questionner l’héritage du rôle de l’église dans la traite négrière transatlantique. Dans le même temps, la création de ce code suscite d’autres questionnements: la place du code noir dans le dispositif esclavagiste d’un point de vue légal, social et psychologique, notre compréhension des rapports de force de notre société contemporaine, la valorisation de l’oralité, la modernité de la communication, l’apprentissage de la lecture. Des questions à la fois personnelles et universelles.
Pour sa première présentation sur la scène internationale en septembre dernier à la foire d’art contemporain de Johannesburg, le Code Couleur était proposé sous la forme d’une étagère à tiroirs comportant 3 dominos de chaque couleur. Cette installation permettait d’écrire pratiquement n’importe quel prénom à titre de démonstration, donnant à voir aux spectateurs leurs noms en couleurs.
L’expérience a rencontré un véritable succès, en témoigne l’acquisition immédiate de l’étagère par un collectionneur local à Johannesburg.
« Inventé par l’artiste Thierry Alet, ce code couleur répond au Code noir, nom donné au XVIIIème siècle aux textes juridiques réglant la vie des esclaves noirs dans les colonies françaises. D’aspect ludique, ces rectangles portent en eux de nombreuses critiques, à commencer par celle de la société guadeloupéenne. « L’un des héritages de cette société post-esclavagiste, c’est l’impossibilité des couples, des familles, l’absence chronique des pères et le vol des enfants par les mères » affirme l’artiste.
Cette oeuvre intitulée La Voleuse d’enfant est « à la confluence d’un drame personnel », précise Thierry Alet qui vit entre Basse-Terre et New-York. Disposé en triptyque, ces codes couleurs représentent la langue caraïbe, le français et le créole.
Ils disent tous « Je vous salue Marie », seul texte commun aux trois langues. Une proposition fine et originale qui porte l’emprise de l’église sur les consciences, de la conquête à nos jours, en passant par le temps de l’esclavage. »
Extrait de « Le Monde.fr » 05-2015
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Code Couleur
Étagère de Johannes, Joburg Art Fair 2015